L'abus de confiance peut porter sur un immeuble : revirement de jurisprudence de la Cour de cassation
- helsim
- 26 mars 2024
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Par un arrêt du 13 mars 2024 publié au Bulletin, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence remarquable en admettant la caractérisation de l'abus de confiance concernant un immeuble.
Selon l'article 314-1 du Code pénal :
"L'abus de confiance est le fait par une personne de détourner, au préjudice d'autrui, des fonds, des valeurs ou un bien quelconque qui lui ont été remis et qu'elle a acceptés à charge de les rendre, de les représenter ou d'en faire un usage déterminé.
L'abus de confiance est puni de cinq ans d'emprisonnement et de 375 000 euros d'amende".
Traditionnellement, la Cour de cassation jugeait que l'abus de confiance ne pouvait pas porter sur un immeuble. Elle exigeait que les juges du fond établissent que l'abus de confiance avait porté sur des "fonds, valeurs ou biens susceptibles de détournement", remis à titre précaire, retenant à ce titre que " l'abus de confiance ne peut porter que sur des fonds, des valeurs, ou un bien quelconque, à l'exclusion d'un immeuble" (Cass. Crim. 10 octobre 2001, 00-87.605) ou encore "ne peut être réprimée l'utilisation abusive d'un bien immobilier ou de droits réels portant sur un immeuble" (Cass. Crim. 14 janvier 2009, n° 08-83.707).
C'est donc un revirement notable de sa jurisprudence qui est constitué par l'arrêt du 13 mars 2024.
La Cour de cassation retient que l'abus de confiance peut porter sur des fonds, valeurs ou biens quelconques, en ce compris un immeuble, remis à titre précaire. S'analyse en un détournement entrant dans le champ de l'article 314-1 du code pénal, l'usage abusif de l'immeuble portant atteinte de façon irrémédiable à son utilité et traduisant la volonté manifeste de l'auteur de se comporter, même momentanément, comme un propriétaire.
Il y a lieu de noter que cette décision s'inscrit dans une évolution déjà amorcée il y a quelques années au sujet de l'escroquerie. En effet, après avoir longtemps posé le principe selon lequel un immeuble ne peut être l'objet d'une escroquerie (Cass. Crim. 15 juin 1992, n° 91-86.053), la Cour de cassation juge depuis un revirement intervenu en 2016 qu'un immeuble, étant un bien au sens de l'article 313-1 du Code pénal, peut constituer l'objet du délit (Cass. Crim. 28 septembre 2016, n° 15-84.485).
Suite à ce revirement de jurisprudence relatif au délit d'escroquerie, la doctrine avait pressenti l'extension de l'infraction d'abus de confiance aux immeubles.
Il aura fallu presque 8 années pour que la Cour de cassation lui donne raison.
La motivation de la Cour de cassation dans l'arrêt du 13 mars 2024 est très claire et s'inscrit dans une volonté de poursuivre sa jurisprudence extensive concernant notamment l'infraction d'escroquerie.
Se référant aux travaux parlementaires ayant conduits à l'adoption du nouveau code pénal, elle précise que la notion de "bien quelconque" doit s'entendre de tout bien, meuble ou immeuble, cette notion étant étendue à tout bien susceptible d'appropriation.
Elle précise enfin, que l'acte de détournement, constitutif de l'infraction d'abus de confiance, peut résulter d'une utilisation du bien à des fins étrangères à celles qui avaient été convenues, lorsque cet usage implique la volonté du possesseur de se comporter, même momentanément, comme le propriétaire du bien (Crim., 13 février 1984, pourvoi n° 82-94.484, Bull. crim. 1984, n° 49).
Pour toutes ces raisons, la Cour de cassation décide "qu'il convient désormais de juger que l'abus de confiance peut porter sur un bien quelconque en ce compris un immeuble".



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